dimanche 19 septembre 2010

Capitaine de Castille (Captain from Castile), Henry King, 1947.


L'entendez vous, ce bruit sourd d'une armée qui avance en cadence au son d'une musique où résonne la victoire ? Entendez vous les fers qui se croisent au fond d'un sombre cachot d'une prison espagnole ? Entendez vous la terrible sentence du chef suprême de l'Inquisition et le dernier cri poussé par une fillette qui agonise ? Et pourtant vous êtes à Hollywood, Tyrone Power est la vedette, les aventures du Capitaine de Castille sont pleines de rebondissements.

Voilà une fois de plus un grand film d'aventures qui ne laisse pas indifférent, et qui surprend par la noirceur de son récit. Un jeune noble espagnol se voit emprisonné avec sa famille par le chef suprême de l'Inquisition, par vengeance personnelle, et sa jeune sœur assassinée sur ordre de ce dernier. Après s'être évadé de la prison, il part se réfugier sur un continent qu'il pense être les Indes, qui est en réalité l'Amérique, et entre au service du colon Cortez.

Jean Peters et Tyrone Power
 Seulement, l'histoire est sombre. La première partie en Espagne n'offre que peu de divertissement, insistant plutôt sur la manière terrible dont le destin de ce jeune noble, interprété par Tyrone Power, va basculer et le contraindre à l'exil. Les personnages sont à la fois caricaturaux (un noble méchant au regard noir, un père héroïque et plein d'honneur, une jeune servante charmante, un ami baroudeur ...) mais interprétés avec brio. Le nouvel ami rencontré dans une auberge cache bien des vices, le père en impose et le méchant Inquisiteur l'est vraiment (la scène, imaginée, de la torture de la petite sœur est très efficace).

Comme dans Les contrebandiers de Moonfleet, les scènes sont plus réalistes que dans les films d'aventures "classiques". Le duel entre Tyrone Power et John Sutton dans le cachot est loin d'être fait avec panache et envolées lyriques. Au contraire, la fin surprend de la part d'un héros hollywoodien.

Lee J. Cobb, Jean Peters, Cesar Romero et Tyrone Power.
La partie en Amérique, dans l'expédition Cortez (formidablement interprété par César Roméro), est tout aussi déroutante. L'aventure du capitaine de Castille se confond littéralement avec celle du colon, et disparaît parfois. Le film insiste alors sur la figure de Cortez, faisant de lui un homme extrêmement charismatique, ambitieux et diplomate. Le spectateur attend des scènes de batailles qui n'arrivent jamais (la fin est en cela frustrante et géniale) et des règlements de compte singulier, avec deux épées et deux témoins. Un certain nombre de codes du genre sont renversés (avec la mort de l'Inquisiteur par exemple) quand en parallèle le scénario insiste sur le héros et sa relation à Dieu (thème convenu de la grande épopée hollywoodienne, montrée par beaucoup de grands réalisateurs, de DeMille à Ford).

Capitaine de Castille achève de conquérir les cœurs avec sa très belle partition musicale, signée par Alfred Newman dont le thème principal, Conquest, est à écouter en boucle. Ce film de Henry King est un film d'aventures pour cinéphiles et amateurs de cinéma, mais n'est pas à conseiller aux plus jeunes, qui à coup sûr seraient déroutés par ce long récit noir au soleil du Mexique et par le regard fermé de Tyrone Power.

Mon avis sur le film : 8/10.
Mon avis sur le DVD : Une joli bonus sur l'histoire du film. L'image a été bien restaurée dans l'ensemble.

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