jeudi 16 décembre 2010

Le fils du désert (1948)


LE FILS DU DESERT (3 Godfathers)
Réalisateur : John Ford
Scénario : Frank S. Nugent
Avec : John Wayne, Pedro Armendariz, Harry Carey Jr., Ward Bond

Trois bandits attaquent une banque et prennent la fuite, pourchassés par le shérif et ses hommes. Parvenant à leur échapper, ils peinent toutefois à trouver un point d'eau au milieu d'un désert aride. Ils découvrent par hasard un chariot abandonné, où une femme est sur le point d'accoucher. A sa mort, ils jurent de tout faire pour sauver l'enfant ...

Originalité : 8/10
Scénario : 7/10
Musique : 7/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 8/10
>> Note globale : 7.6/10

Que vient donc faire cette fable dans la filmographie de John Ford ? Il faut croire qu'il aimait cette histoire, qu'il adapta trois fois (les deux premières semblent perdues), la dernière avec John Wayne en vedette, et le fils de son ami Harry Carey, décédé, et à qui est dédié le film. Nous avons également toutes les raisons d'aimer ce film, simple et drôle, attachant voire émouvant. Imaginer John Wayne avec un bébé dans les bras, s'occupant de lui et grimaçant maladroitement suscite la curiosité des cinéphiles amateurs - comme moi -, et de westerns, et de John Wayne.

Le plus du film est sa mise en scène, éblouissante. Tous les plans sont parfaits, y compris ceux "sacrifiés" pendant le générique de début. J'avais découvert ce film en DVD et avait été frappé par la beauté de la lumière. Un nouveau visionnage au cinéma, dans une copie d'origine, m'a confirmé ce souvenir. La photographie du film est un des points essentiels du film et s'accorde magnifiquement à la mise en scène et à l'histoire racontée. Celle-ci offre plusieurs séquences marquantes : les trois hommes affairés à s'occuper du nourrisson, la rencontre avec B. Sweet ou encore la scène du tribunal dans le bar.

Quelques plans ou scènes m'ont marquées durablement, de manière différente. Un plan d'abord, que l'on n'oublie pas, où Ford filme les mains de Pédro Armendariz parlant au bébé : un hochet dans l'une, un revolver dans l'autre. Une autre scène de pure interprétation, où la caméra reste fixe sur John Wayne qui, dans un beau monologue, raconte ce qu'il vient de voir (le spectateur n'a rien vu). Elle démontre, si c'était encore à confirmer, le talent de Wayne, et semble devancer une autre scène mythique de l'acteur seul devant la caméra, dans La prisonnière du désert.
Ford filme plus tard les trois hommes qui partent dans le désert, la nuit, après avoir lu la Bible. D'une beauté formelle, elle les représente en rois mages guidés par une seule grande étoile brillante. On est déçu de la part de Ford en voyant cette scène, un peu grotesque et qui laisse à penser que le réalisateur tombe dans la propagande religieuse facile. Mais, quelques minutes plus tard, il filme John Wayne jetant la Bible. Une scène très forte, à tous points de vue, et qui rappelle que chez Ford, rien n'est figé. Une belle leçon de cinéma que l'on revoit toujours avec beaucoup de plaisir.

mercredi 15 décembre 2010

Les patriotes (1994)


LES PATRIOTES
Réalisateur : Éric Rochant
Scénario : Éric Rochant
Avec : Yvan Attal, Richard Masur, Moshe Ivgy, Bernard Le Coq, Jean-François Stévenin

Le jour de ses 18 ans, Ariel annonce à ses parents qu'il part en Israël. Il est recruté par le Mossad et formé à ses méthodes. Tel Aviv, Paris, Washington ... un récit d'espionnage international, dont la violence est d'autant plus intense qu'elle s'exerce sans brutalité.

Originalité : 8/10
Scénario : 9/10
Musique : 8/10
Interprétation : 9/10
Mise en scène : 8/10
>> Note globale : 8.4/10

Grande réussite française des années 90, Les Patriotes est un film très ambitieux qui réussit parfaitement son pari de mêler grand cinéma populaire et qualité cinématographique. La mise en scène de Éric Rochant (qui bénéficia de 24 semaines de tournages !) est superbe, précise, inspirée et parfaitement fluide. Il faut observer attentivement les séquences pour remarquer les prouesses de réalisation, les partis pris et les mécaniques d'enchaînement. Du premier (sur le drapeau israélien) au dernier plan inclus (le basculement de la caméra qui rentre dans l'intimité), le film est visuellement magnifique.

Les acteurs sont formidablement choisis et dirigés. Une pléiade d'interprètes français aussi excellents les uns que les autres, à commencer par Yvan Attal, sobre, silencieux mais charismatique, Bernard Le Coq d'une très grande justesse à chaque instant, Jean-François Stévenin dans son meilleur rôle, et une jeune Emmanuelle Devos très prometteuse. Le film est également pour moi une manière de réhabiliter Sandrine Kiberlain, dont je ne suis pas très fan, qui trouve là un très beau rôle, qu'elle interprète de manière étonnante.

Le seul bémol du film vient peut-être du fait qu'il est coupé en deux parties bien distinctes (le même problème que Full Metal Jacket à mon goût), ce qui perd le spectateur (qui reprend son souffle) une dizaine de minutes. Toutefois les deux parties sont si bien réussies que l'on s'y replonge vite avec plaisir, observant ainsi l'avancée dramatique d'un scénario sans concessions, extrêmement bien travaillé et dialogué. On en redemande.

jeudi 9 décembre 2010

Pat Garrett et Billy the Kid (1973)


PAT GARRETT ET BILLY THE KID (Pat Garrett & Billy the Kid)
Réalisateur : Sam Peckinpah
Scénario : Rudolph Wurlitzer
Avec : James Coburn, Kris Kristofferson, Bob Dylan, Jason Robards

Pat Garrett et Billy the Kid, deux amis de longue date, sont désormais ennemis jurés. Tandis que le premier est un repenti qui arbore l'étoile de shérif, le second persiste à enfreindre la loi et à se fixer ses propres règles. Malgré ses avertissements répétés, Pat n'a d'autre choix que d'emprisonner son vieil ami. Mais ce dernier parvient à s'échapper. Une chasse à l'homme implacable va alors commencer.

Originalité : 8/10
Scénario : 9/10
Musique : 8/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 10/10
>> Note globale : 8.6/10

Bluffant de maîtrise, étourdissant de perfections diverses. L'œuvre s'admire comme un imposant tableau signé par un maître, où l'on pourrait passer des heures à observer les détails. Chaque plan semble être le plus adapté, vouloir changer de place la caméra et on irait vers l'amoindrissement. La superbe photographie, souvent crépusculaire, donne au film un ton particulier, différent des westerns "fin de mythe". Le rythme donné à la plupart des séquences étale l'histoire, cette confrontation psychologique entre deux hommes, à n'en plus finir, comme pour montrer que personne ne souhaite arriver à une fin. Et quand celle-ci arrive, elle est aussi brusque que violente, aussi inattendue qu'inéluctable.

L'ouverture est magistrale, tout comme les premières apparitions des personnages principaux. Kris Kristofferson que je n'imaginais pas du tout à sa place assure avec brio, aux côtés du sublime James Coburn, touché par la grâce (et la classe !). Le scénario, simple en apparence, parvient à tenir en haleine de bout en bout, ouvrant à plusieurs reprises des chemins inattendus, esquissant juste les psychologies des personnages, laissant ainsi le soin au spectateur d'en déduire ce qu'il veut (la scène entre Pat Garrett et son épouse est à ce niveau remarquable). Une très grande leçon de cinéma, à tous points de vue.

mercredi 8 décembre 2010

Les disparus de Saint-Agil (1938)


LES DISPARUS DE SAINT-AGIL
Réalisateur : Christian-Jaque
Scénario : Jean-Henri Blanchon
Avec : Michel Simon, Erich Von Stroheim, Aimé Clariond, Armand Bernard

Dans le pensionnat pour garçons de Saint-Agil, des événements étranges perturbent la vie des jeunes élèves. Les disparitions de plusieurs élèves inquiètent, le comportement des professeurs intrigue. Le directeur essaye de résoudre les problèmes tout en tempérant les tensions et les professeurs.

Originalité : 7/10
Scénario : 6/10
Musique : 7/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 7/10
>> Note globale : 6.8/10

Clairement, ce film a vieillit, à tous les niveaux peut-être, excepté le dialogue, très soigné. Je retiens notamment une très belle réplique, ancêtre de celle de Docteur Folamour, "laissez nous en paix avec la guerre !". Cette parenthèse close, il faut avouer l'extraordinaire présence de deux géants du cinéma, Michel Simon et Erich Von Stroheim. Sinon leur petite confrontation, on peut retenir leur interprétation personnelle, évidente - l'un alcoolique grande gueule, l'autre froid, mystérieux et apeurant - mais diablement efficace. Les enfants également s'en sortent avec les honneurs, Mouloudji et Serge Grave en tête.

La mise en scène est à la fois originale et conventionnelle. Racontant une histoire du point de vue des enfants, les faisant découvrir la vie des adultes et ses travers de manière brutale, Christian-Jaque filme souvent à hauteur d'enfant ou de manière candide, toutefois sans prendre de risques, d'où une petite déception. Coïncidence peut-être due à mon état de fatigue actuel, une séquence (les réactions des professeurs à la mort de l'un des leurs) m'a fait penser à du Fritz Lang (celui-là même qui filma une histoire au travers les yeux d'un enfant dans Les contrebandiers de Moonfleet), en moins percutant tout de même. L'histoire se suit sans déplaisir, mais sans intérêt majeur toutefois. Les dénouements finaux ne sont pas à la hauteur d'un début de film assez intéressant.

mardi 7 décembre 2010

Les ponts de Toko-Ri (1954)


LES PONTS DE TOKO-RI (The Bridges at Toko-Ri)
Réalisateur : Mark Robson
Scénario : Valentine Davies
Avec : William Holden, Mickey Rooney, Fredric March, Grace Kelly

Pendant la guerre de Corée, un lieutenant réserviste de l'armée de l'air américaine, Harry Brubaker, est désigné pour participer à une dangereuse mission : bombarder, au milieu des tirs de soldats et des canons ennemis, plusieurs ponts stratégiquement importants.

Originalité : 6/10
Scénario : 6/10
Musique : 5/10
Interprétation : 6/10
Mise en scène : 6/10
>> Note globale : 5.8/10

Je dois confesser que, depuis plusieurs mois, j'attendais beaucoup de ce film que j'imaginais comme un pendant aérien des Canons de Navarone. Cruelle déception, à tous les niveaux. La mise en scène est d'une platitude déconcertante, malgré quelques séquences aériennes réussies, et alourdit encore plus des scènes déjà bien convenues. Les effets spéciaux sont très souvent mauvais (l'utilisation de maquettes sur quelques plans est ridicule) et gâchent des scènes. Ainsi, on peut regretter que les explosions diverses ressemblent trop à des feux d'artifice. Seules les scènes de décollage des appareils du porte-avion sont réussies ... c'est mince. Le scénario est complètement balisé et attendu, la scène de fin et son dialogue pro-aviateurs (à replacer dans le contexte évidemment) prêtent à sourire.

L'interprétation est séduisante sur le papier. A l'écran, elle est banale. Deux vedettes, William Holden - qui ne force pas trop son talent, à la limite de la crédibilité parfois - et Grace Kelly - dans un rôle beaucoup trop bateau et effacé - forment le couple charme du film, entourées de "gueules" telles que Fredric March (parfait en amiral), Mickey Rooney (le comique) ou Earl Holliman (le brave type qu'on n'a pas envie de voir mourir). Pas grand chose à sauver de ce divertissement très moyen, à voir si on aime les clichés ... ou les avions.

lundi 6 décembre 2010

Ça commence à Vera Cruz (1949)


ÇA COMMENCE A VERA CRUZ (The Big Steal)
Réalisateur : Don Siegel
Scénario : Geoffrey Homes et Gerald Drayson Adams
Avec : Robert Mitchum, Jane Greer, William Bendix, Ramon Novarro ...

Poursuivi par le capitaine Blake, le lieutenant Duke Halliday débarque à Vera Cruz. Ce dernier, accusé d'avoir volé de l'argent à l'armée, doit prouver son innocence au plus vite. Il se met alors à la poursuite de Jim Fiske. La charmante Jane lui vient en aide.

Originalité : 5/10
Scénario : 6/10
Musique : 5/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 6/10
>> Note globale : 5.8/10

Le film fut tourné - selon le réalisateur - pour prouver que Robert Mitchum, impliqué dans des affaires de stupéfiants, était bel et bien engagé par le studio. Ceci étant énoncé par Serge Bromberg dans son introduction au film, tout est dit et l'on sait à quoi s'attendre. C'est à dire ... à pas grand chose, sinon à une série B de plus, sympathique grâce à son interprétation. Seule la confrontation entre Mitchum et la magnifique Jane Greer présente un quelconque intérêt, avec quelques dialogues savoureux, les autres acteurs étant des faire-valoir classiques (pourtant j'étais heureux de voir que Ramon Novarro faisait partie de la distribution). La mise en scène de Don Siegel n'existe pas pendant 80% du film, et ne devient intéressante (tout est relatif quand même ...) que dans les dernières séquences. Passable.

Voyage au centre de la Terre (1959)


VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE (Journey to the Center of the Earth)
Réalisateur : Henry Levin
Scénario : Charles Brackett et Walter Reisch
Avec : James Mason, Pat Boone, Arlène Dahl, Diane Baker, Peter Ronson

A Edimbourg, à la fin du siècle dernier, le professeur Lindenbrook, avec la collaboration de son meilleur élève, découvre le moyen de parvenir au centre de la Terre. Le savant organise une expédition et s'engouffre dans les entrailles de la Terre à partir du cratère d'un volcan islandais éteint. Mais le voyage ne fait que commencer et les explorateurs ne sont pas au bout de leurs découvertes.

Originalité : 7/10
Scénario : 6/10
Musique : 7/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 6/10
>> Note globale : 6.6/10

Voilà un film qui m'avait plusieurs fois enthousiasmé dans mes jeunes années. S'éloignent-elles trop vite que je ne les vois pas passer ? Toujours est-il qu'une nouvelle séance en compagnie des explorateurs du centre de la Terre ne m'a pas laissée aussi forte impression que les premières fois. Peut-être les défauts m'apparaissent-ils plus visibles, et ils sont malheureusement assez nombreux pour ne pas passer inaperçu. La trop grande liberté prise avec le roman original est gênante (mais que vient faire ce personnage féminin ! ... dit le macho de service) et dévalorise même parfois l'intrigue, à commencer par le point de départ de toute l'aventure, assez risible. Les effets spéciaux furent récompensés à l'époque, mais apparaissent aujourd'hui très inégaux. Le bonheur trouvé devant un magnifique plan peut être annulé par un second, grotesque (tous les gros plans sur les iguanes censés représenter des monstres).

Heureusement, nous avons gardé des yeux d'enfants ... pour ma part en tout cas ... et le film reste extrêmement plaisant, notamment grâce à l'interprétation savoureuse de James Mason. Le chanteur Pat Boone fait son numéro et chantonne quelques airs pour finir cul-nu dans un arbre, c'est passable, mais il assure son rôle, tout comme les autres acteurs. La musique est de circonstance, donc réussie, et la photographie en accord la plupart du temps avec les décors. Reste une mise en scène anonyme, plate, loin de celle d'un Richard Fleischer (20.000 lieues sous les mers, avec James Mason en capitaine Nemo), qui n'arrange rien.

vendredi 3 décembre 2010

Le prisonnier de Zenda (1952)


LE PRISONNIER DE ZENDA (The Prisoner of Zenda)
Réalisateur : Richard Thorpe
Scénario : John L. Balderston et Noel Langley
Avec : Stewart Granger, Deborah Kerr, James Mason, Louis Calhern, Jane Greer

Michael, Duc de Streslau, convoite le trône de Ruritanie qui revient de droit à son grand frère, le Prince Rudolph V. Averti des desseins criminels du Duc, l'entourage du Prince le cache en lieu sûr et le fait remplacer par un sosie, Rudolph Rassendy, lors des fêtes de couronnement. Mais le Duc s'aperçoit de la supercherie, parvient à enlever son frère et menace de révéler au peuple que le nouveau Roi est un imposteur ...

Originalité : 6/10
Scénario : 6/10
Musique : 7/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 7/10
>> note globale : 6.6/10

Une honnête production hollywoodienne, très classique, divertissante, mais qui ne fait pas date, et que l'on ne peut ranger à côté des grandes réussites du genre. A qui la faute ? A un scénario laborieux, convenu de bout en bout (une petite originalité à la fin toutefois - "L'honneur n'est pas qu'une affaire d'hommes !") et multipliant les rebondissements avec plus ou moins de crédibilité (toute l'histoire avec Antoinette de Mauban - alias Jane Greer - ne tient pas la route). A une mise en scène à la papa signée par un honnête artisan des grands studios, Richard Thorpe, dont les autres productions (Les chevaliers de la Table Ronde notamment) ne brillent pas à mes yeux. Quelques plans (stimulés par une belle lumière) sortent du lot, mais difficile de voir en ce réalisateur un brillant auteur. Toutefois, sa mise en scène reste efficace et de bon niveau pour ce genre de films : la séquence du bal, très drôle, est bien filmée, tout comme la séquence finale dans le château fort.

L'interprétation est la force (l'unique intérêt ?) du film. Stewart Granger y interprète deux personnages, liés par une ressemblance physique, et s'en donne à cœur joie avec son charisme et son charmes habituels. James Mason, à son habitude, compose brillamment un personnage d'ailleurs assez éloigné du registre dans lequel je l'ai souvent vu évoluer, maniant cynisme et ambition avec brio (même s'il n'évite pas les pièges du stéréotype du méchant). Côte féminin, Jane Greer - même si son histoire ne me semble pas convaincante - mérite son salaire et livre ce qu'on lui demande, du charme et du mystère, tout comme Deborah Kerr, qui n'est star et importante que sur l'affiche et le générique. Son personnage, fort banal lui aussi, semble combler les vides et apporter une petite touche, artificielle, de romantisme à cette histoire entre hommes. Les enfants y trouveront leur compte (et encore), les autres apprécieront en fonction de leur degré d'attachement au film d'aventures hollywoodien des années 50.

jeudi 2 décembre 2010

La nuit nous appartient (2007)


LA NUIT NOUS APPARTIENT (We Own the Night)
Réalisateur : James Gray
Scénario : James Gray
Avec : Joaquin Phoenix, Mark Wahlberg, Robert Duvall, Eva Mendes

A la fin des années 80, à New-York. Bobby Green est le gérant d'une boite de nuit fréquentée par des trafiquants de drogue et des gangsters en tous genres. Il a prit ses distances avec son père, chef de la police, et son frère, capitaine de police, préférant se vie de débauche avec son amie Amada. A la suite d'une discussion à trois, Bobby refuse de coopérer à la lutte contre les trafiquants que compte mener son frère.

Originalité : 8/10
Scénario : 9/10
Musique : 9/10
Interprétation : 9/10
Mise en scène : 9/10
>> Note globale : 8.8/10

Le premier plan de la première séquence donne tout de suite le ton : la mise en scène est éblouissante, l'interprétation travaillée, la musique colle parfaitement. L'impression d'atteindre l'orgasme au début des préliminaires, la sensation est rare. Très rare pour être soulignée. La suite n'est que confirmation d'un pressentiment originel : nous sommes devant du grand cinéma, où chaque plan est réfléchit, chaque intonation juste, chaque acteur complètement imprégné de son rôle. Joaquin Phoenix est éblouissant de réalisme, Mark Wahlberg nous pousse à questionner ses choix de carrière (une moyenne de un bon film pour deux navets) puisqu'il est bon, très bon. Robert Duvall, en retenue, utilise son charisme au service du rôle. Quant à Eva Mendes, elle devient en l'espace de quelques plans, une véritable icône de sensualité.

Dans une lignée scorsesienne, James Gray livre plusieurs séquences qui marqueront à coup sûr le cinéma des années 2000 : une ouverture magistrale, une séquence oppressante dans un "laboratoire" de trafiquants de drogue, une course poursuite originale, et des séquences finales magnifiques. Considérons la seconde particulièrement, ou comment une simple visite se transforme en leçon de cinéma. Passant du subjectif à l'observation intime de Phoenix, tétanisé par ce lieu, dont on observe en direct, et avec compassion, son écroulement mental, jusqu'au point de non retour, Gray est probablement à l'apogée de son style. La poursuite en voiture, elle aussi simpliste a priori, se transforme en performance par des choix audacieux : aucune musique, juste quelques sons lointains, quelques prises de vue extérieures. Le réalisateur filme un homme qui subit une action (l'attaque par des trafiquants de la voiture de son père), avec un fond sonore subjectif. Cela existe déjà, mais c'est souvent trop appuyé pour que cela fonctionne vraiment (Tom Hanks sur la plage dans Saving Private Ryan). La performance est d'autant plus appréciable ici. Et comme tout n'est que performance dans ce film, on ne peut que l'applaudir et en redemander.