dimanche 23 janvier 2011

Marty (1955)


MARTY
Réalisateur : Delbert Mann
Scénario : Paddy Chayefsky
Avec : Ernest Borgnine, Betsy Blair, Esther Minciotti

Marty, un boucher trentenaire d'origine italienne, vit avec sa mère envahissante et peine à trouver l'amour alors que son frère va se marier. Un soir de bal, il rencontre une femme, Clara, délaissée par le garçon qui l'accompagnait, et passe la nuit à parler avec elle. Ils décident de se revoir.

Originalité : 7/10
Scénario : 7/10
Musique : 6/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène :6/10
>> Note globale : 6.8/10

Palme d'or à Cannes et Oscar du Meilleur film. Chaque période de l'Histoire connaît des troubles, tout le monde fait peut faire des erreurs. Que vient donc faire ce gentil petit film parmi les records de récompenses du cinéma ? Personne, probablement, ne saura jamais y répondre. Dans un ton très social (les relations entre membres d'une famille d'origine italienne, les relations avec les autres), cette comédie permet toutefois d'apprécier - encore une fois, je ne cesserai de le répéter - le grand talent de Ernest Borgnine, dans un rôle émouvant, simple, loin des méchants et gros durs qu'il interpréta régulièrement. Maniant avec talent un texte au rythme parfois haletant (les discussions sur sa vie avec Clara), il parvient également à jouer avec une grande justesse la gentillesse (lui que l'on a plutôt l'habitude de voir en salaud, voleur, barbare ...).

Outre cela, les quelques scènes amusantes et les dialogues soignés, rien de transcendant. On cherche à tout moment ce qui a fait entrer ce film dans la légende, mais on ne trouve rien, sinon la sincérité du propos, la mise en scène entièrement dévouée à son histoire, sans éclats. Certains moments sont même à la limite de l'ennuyant et la fin, logique mais pourtant très artificielle, nous laisse perplexes. Film agréable et divertissant, on passe un joli moment devant les aventures sentimentales de Marty. Mais on n'en redemande pas.

samedi 22 janvier 2011

L'homme de nulle part (1956)


L'HOMME DE NULLE PART (Jubal)
Réalisateur : Delmer Daves
Scénario : Delmer Daves et Russell S. Hughes
Avec : Glenn Ford, Ernest Borgnine, Rod Steiger, Charles Bronson

Jubal est recueilli blessé par un fermier, Shep, qui l'engage avec lui. Ses charmes ne laissent pas indifférente la femme de Shep. Les ennuis semblent inévitables.

Originalité : 8/10
Scénario : 8/10
Musique : 7/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 9/10
>> Note globale : 8/10

L'homme de nulle part est un western tout à fait remarquable, de par l'interprétation, la mise en scène et le traitement de son idée de départ, fort simple et déjà connue (notamment chez Anthony Mann) : un homme seul, au passé plus ou moins trouble et toujours mystérieux (ici, même en le dévoilant, le personnage ne nous apprend rien) arrive dans une communauté où il a du mal à être accepté de tous. Il y a toujours une femme, belle et désirable, au milieu de tous ces hommes, rivalisant de pouvoir et de virilité. Delmer Daves nous conte cette histoire pendant une bonne partie du film, prenant son temps à montrer l'évolution des relations entre les personnages, la montée des tensions entre certains devenant si forte qu'on n'attend que le moment où elles vont enfin exploser. Il arrive, calmement, dans une superbe séquence décomposée en trois scènes où brille particulièrement Ernest Borgnine. Et la belle mécanique qui fonctionne depuis le début se met en marche à toute allure, l'homme venu de nulle part devenant au premier prétexte venu, une cible, la cible de tous. La foule, la meute, ne fait plus qu'une, représentant ce que l'homme a de plus mauvais en lui. Elle fait ressortir son côté animal, montre que les hommes se combattent toujours entre eux. Le dénouement final se joue évidemment à presque rien, à un détail, qui fait que l'homme reconnaît son erreur et ne condamne pas un innocent. Ces représentations de la folie humaine et de l'idée de justice reviennent toujours dans les westerns de Daves (La dernière caravane, 3h10 pour Yuma, La colline des potences - qui reprend à peu près la même trame, et les mêmes conséquences, en pire).

Cette histoire aurait pu faire un très bon Film Noir, l'originalité vient du fait qu'elle est transposée dans l'Ouest sauvage. Sauvage par ses paysages, somptueusement filmés (Daves utilise des décors naturels), sa nature, ses étendues immenses. Car l'homme, lui, l'est de moins en moins a priori : les ranchs et les barbelés annoncent la propriété individuelle, la fin de la conquête de l'Ouest, la justice et les lois. Pourtant l'histoire n'est pas datée, et ne fait en rien référence à une quelconque allusion historique. Perdus au milieu de nulle part, rien ne peut retenir ces hommes de se dévorer entre eux. La mise en scène est maîtrisée de bout en bout, avec dans ce film plus particulièrement, une intensité dramatique très forte, remarquablement filmée (les allusions de Steiger à son patron lors d'un campement, la désillusion de Borgnine dans sa propre chambre, son arrivée dans le saloon, la sortie de Ford devant les cavaliers) et qui s'adapte au propos : les travellings sont privilégiés aux plans de grue, et rendent les scènes très marquantes (le mouvement de caméra partant du dos de Glenn Ford pour arriver sur le fusil de Ernest Borgnine).

Mais la particularité de Delmer Daves est également dans le traitement de son histoire, de ses personnages. James Stewart chez Anthony Mann finit toujours par se perdre momentanément dans la colère, dans la vengeance, dans la violence. On ressent chez Daves de la compassion pour les hommes dont il montre les faiblesses. Ainsi, Glenn Ford ne tombe jamais dans la violence ou la vengeance, il reste en retrait, fier (tout comme Van Heflin dans 3h10 pour Yuma ou Gary Cooper dans La colline des potences). La violence elle-même n'est pas montrée, à l'image de ce superbe mouvement de caméra partant des hommes tournant comme des loups autour de leur proie, qu'ils vont lyncher, et finissant sur un crochet suspendu à l'entrée de la grange. Car il y aura tout de même un lynchage - l'homme est ainsi fait - plus juste celui-là, presque mérité. Mais Daves, pour montrer son optimiste ou masquer son pessimisme, préfère terminer sur un plan heureux, où l'homme bon part se confondre avec le paysage. Cela peut faire démodé aujourd'hui. J'y vois personnellement une très grande leçon de cinéma, donnée modestement et avec talent par un metteur en scène hors pair.

vendredi 21 janvier 2011

Pour elle (2008)


POUR ELLE
Réalisateur : Fred Cavayé
Scénario : Fred Cavayé et Guillaume Lemans
Avec : Vincent Lindon, Diane Kruger, Olivier Marshal, Rémi Martin

Lisa et Julien sont mariés et mènent une vie heureuse et sans histoire avec leur fils, Oscar. Mais leur vie bascule quand un matin, la police vient arrêter Lisa pour meurtre. Elle est condamnée à 20 ans de prison. Trois ans plus tard, elle tente de se suicider. Julien, par amour, décide de la faire évader.

Originalité : 8/10
Scénario : 8/10
Musique : 7/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 8/10
>> Note globale : 7.8/10

Premier film et première grande réussite, de bout en bout. Impressionnants de maîtrise, la mise en scène et le scénario sont d'une efficacité rare dans ce genre de film, en France. On est habitué au convenu, au fade, au pathos facile et au dénouement pour ménagère assidue de la première chaîne nationale. Il n'en est rien ici, les dix premières minutes, mystérieuses, avec une économie de dialogues, étant assez intrigantes pour que l'on rentre immédiatement dans le vif de l'action. Les ellipses diverses viennent éviter avec justesse des scènes explicatives pénibles, et tout se joue souvent dans les regards. Ces scènes silencieuses sont d'ailleurs la plupart du temps très marquantes (Diane Kruger qui dit 'Je t'aime' sans que l'on puisse l'entendre, à travers l'ouverture de la porte du parloir, ou l'échange de regards entre Vincent Lindon et son père, qui a compris).

Les acteurs, principaux arguments du film, sont d'une grande justesse, y compris chez les seconds rôles (Rémi Martin, Moussa Maaskri, Olivier Marshal pourtant souvent caricatural). Le film se montre sans compassion, et brouille régulièrement les pistes (la mort du jeune trafiquant est inattendue). Noir, violent parfois, amoral souvent, Pour elle s'attaque pourtant à un sujet déjà bien exploité : que peut-on faire par amour ? jusqu'où peut-on aller ? Les jolies réussites ne sont pas légion, surtout dans le cinéma français. Plus réaliste qu'un DiCaprio sur un paquebot qui coule, mais moins drôle qu'un Benigni dans un camp de concentration, le premier long métrage de Fred Cavayé a de beaux jours devant lui, son auteur aussi probablement.

mardi 18 janvier 2011

Règlement de comptes (1953)


RÈGLEMENT DE COMPTES (The Big Heat)
Réalisateur : Fritz Lang
Scénario : Sydney Boehm
Avec : Glenn Ford, Gloria Grahame, Lee Marvin, Jocelyn Brando

Le policier Dave Bannion enquête sur le mystérieux suicide d'un collègue, et semble être le seul à ne pas croire aux raisons invoquées. Sa volonté d'éclaircir cette affaire met très vite en jeu sa vie, et celle de ses proches.

Originalité : 7/10
Scénario : 8/10
Musique : 7/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 8/10
>> Note globale : 7.6/10

Basé sur une histoire très simple (un flic veut résoudre une enquête qu'il juge bâclée), Règlement de comptes est l'un des derniers films réalisés par Fritz Lang aux États-Unis. Le ton est donné dès l'ouverture, montrant de manière brutale le suicide d'un homme, et l'arrivée de son épouse, silencieuse. Quelques coups de téléphone et la présentation furtive des personnages nous entrainent directement dans l'intrigue, précise, à l'image de la superbe horloge qui apparaît dans les premiers plans.

Le film ne révolutionne pas le Film Noir mais va tout de même plus loin que les modèles du genre, apportant une violence plus montrée, plus crue. Fritz Lang filme ainsi un homme qui se tire une balle dans la tête, Lee Marvin qui, dans un accès de fureur, jette violemment du café brûlant au visage de sa compagne. La mécanique enclenchée dès l'ouverture pousse le policier entêté dans ses retranchements, notamment quand il s'apprête, en gros plan, impressionnant (d'autant plus qu'il s'agit de Glenn Ford !), à assassiner un tueur à gages et même une femme ! Le rôles des femmes justement est important puisque ce sont elles qui font avancer l'histoire, de manière plus ou moins volontaire. Dans une très belle séquence de confrontation, Lang rend hommage en quelque sorte aux femmes de gangsters, souvent potiches, mais essentielles, et on en retient cette phrase "Nous sommes les mêmes vous et moi. Nous sommes les femmes sous les manteaux de vison."

Mais plus qu'un film de femmes, Règlement de comptes est aussi, comme souvent chez Fritz Lang, l'histoire d'un homme seul, perdu, face aux puissants (ses supérieurs, les politiciens). Mais on sent que celui-là est sur le fil, en permanence, prêt à passer de l'autre côté de la barrière et à se comporter comme ceux qu'il traque. Original sur ce point, le film annonce les polars et personnages célèbres (Le justicier dans la ville, l'inspecteur Harry) des décennies suivante, tout en retenue et en classe.

Brigadoon (1954)


BRIGADOON
Réalisateur : Vincente Minnelli
Scénario : Alan Jay Lerner
Avec : Gene Kelly, Cyd Charisse, Van Johnson, Barry Jones

Lors d'un voyage en Écosse, deux amis partis chasser se perdent dans la forêt. Surpris de ne pas le voir apparaître sur leur carte, ils arrivent dans un petit village, Brigadoon, où les habitants semblent assez hostiles. Et pour cause, ils n'ont jamais vu le moindre étranger. Pourtant, puisque c'est jour de noce, le futur marié invitent les deux amis à rester un moment.

Originalité : 8/10
Scénario : 7/10
Musique : 7/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 8/10
>> Note globale : 7.4/10

Quelle belle curiosité que voilà ! Brigadoon, une comédie musicale teintée de fantastique, mise en scène par un des spécialistes du genre, Vincente Minnelli, et interprétée par deux stars, Gene Kelly et Cyd Charisse, au mieux de leur forme. Comment ne pas succomber au charme dès les premiers plans, noyés dans la brume épaisse d'une forêt d'Écosse ? Toute les séquences d'ouverture sont formidablement intrigantes, comme sorties d'un rêve, chanté et dansé bien entendu. On ne s'attend guère à trouver le héros très "urbain" de Chantons sous la pluie, Un jour à New-York ou Un américain à Paris dans cette verdure européenne.

Le film est par la suite beaucoup plus inégal. Si on prend un plaisir jouissif à regarder et écouter la séquence sur la place (I'll go home with Jean), agrémentée de quelques claquettes sans éclats, les scènes qui suivent sont plus conventionnelles, parfois datées, à l'image de cette balade amoureuse à la recherche de fougères. Heureusement, plusieurs morceaux assez lourds sont contrebalancés par des clins d'œils visuels comiques (où Gene Kelly chante son amour à une vache ou un porc par exemple, ou bien quand Cyd Charisse improvise une danse avec une amie déguisée en homme). Gene Kelly aurait voulu tourner en décors naturels, la production refusa. Ainsi, on se retrouve avec un magnifique décor hollywoodien, très réussi d'ailleurs, confortant un peu plus l'idée de l'imaginaire. Le point culminant - et probablement le plus réussi - du film est la traque d'un habitant cherchant à s'enfuir, dans la nuit brumeuse. Utilisant avec talent le cinémascope et le plan-séquence, Minnelli réalise une séquence magnifiquement orchestrée, esthétiquement superbe, dotée d'une très belle musique, oppressante, assez unique dans ce genre de films.

Brigadoon m'a semblé assez pessimiste dans son ensemble, et il aurait gagné en insolence à pousser sa noirceur jusqu'au dénouement final qui, ici, reste assez sage et convenu. Et pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé. Gene Kelly trouve l'amour en la personne d'une femme parfaite à tous points de vue vivant dans un village fantôme, donc dans un rêve. L'idée du film sur l'image de la femme rêvée est assez explicite et sort là totalement du conventionnel. On apprécie aussi le personnage de Van Johnson, très drôle, très cynique, incarnant la représentation du côté cartésien, réaliste - et finalement assez triste - du personnage de Gene Kelly qui, malgré tout, reste un citadin, engagé auprès d'une femme pénible et matérialiste (mais bien réelle celle-là !), vivant dans une réalité pas toujours très drôle. En cela, la séquence à New-York est très belle, là encore assez originale dans une comédie musicale des années 50 - en plus d'être très bien mise en scène. Mieux écrit, mieux rythmé, le film aurait pu devenir un chef d'œuvre. Il n'en reste pas moins très beau, et très appréciable à différents niveaux. Néanmoins, il reste à conseiller, je pense, aux amateurs du genre.

lundi 17 janvier 2011

French Cancan (1955)


FRENCH CANCAN
Réalisateur : Jean Renoir
Scénario : Jean Renoir
Avec : Jean Gabin, Françoise Arnoul, Maria Felix, Philippe Clay

Danglard, entrepreneur de spectacles, se lance dans la rénovation d'un vieil établissement qu'il nomme le Moulin Rouge. Il prend le pari de remettre à la mode un vieux quadrille, le cancan, et de faire de Nini, jeune blanchisseuse, une danseuse vedette. Dans son projet, Danglard se heurte à la jalousie de Lola, danseuse éprise de lui, aux revirements de son commanditaire et aux souteneurs de Montmartre.

Originalité : 8/10
Scénario : 8/10
Musique : 9/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 9/10
>> Note globale : 8.4/10

Gabin, Renoir, Montmartre  ... ça sent si bon la France ! Quel plaisir pour moi de découvrir ce classique du cinéma français dans une superbe version restaurée, mettant ainsi encore plus en valeur le génial travail orchestré à tous les niveaux de main de maître par Jean Renoir. Sa mise en scène, notamment sur la dernière demi-heure du film, reste époustouflante de maîtrise et de savoir-faire. La photographie (signée Michel Kelber) est l'une des plus belles que j'ai pu admirer dans un film français de cette époque, on se croirait dans un tableau ... de Renoir !

Jean Gabin est l'incarnation idéale de Danglard (il est à mon sens celui qui, dans le cinéma français, pouvait le mieux passer du voyou à l'aristocrate, et réciproquement) et en impose du début à la fin, débitant avec le plus grand naturel un dialogue très étudié, l'argot du faubourg se mêlant avec le langage plus soutenu des classes aisées. Le film aborde plusieurs thèmes, des relations entre classes sociales (avec une scène magnifique dans un troquet, au début), aux relations au sein même des classes, tout en dressant un portrait peu reluisant - mais plein d'honneur tout de même - du monde du spectacle. Quelle majesté possède Gabin tapant du pied en coulisses pendant le show ! Tout a déjà été dit sur ce chef d'œuvre, m'étaler d'avantage serait de la prétention.

dimanche 16 janvier 2011

Le grand Sam (1960)


LE GRAND SAM (North to Alaska)
Réalisateur : Henry Hathaway
Scénario : John Lee Mahin et Martin Rackin
Avec : John Wayne, Capucine, Stewart Granger, Fabian

1900. Deux chercheurs d'or, Sam McCord et George Pratt trouvent un filon important et font fortune. Sam part alors à Seattle acheter du matériel et doit, par la même occasion, ramener la fiancée de George. Mais lassée de l'attendre, celle-ci s'est déjà mariée. Par amitié, Sam déniche une jeune femme dans un cabaret et se met en tête de la ramener à son ami, en guise de consolation. Mais elle tombe amoureuse de Sam.

Originalité : 6/10
Scénario : 7/10
Musique :  7/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 7/10
>> Note globale : 6.8/10

Surprenante projection qui nous attend à la découverte de ce film, à la croisée des chemins entre le western, le film d'aventures et la comédie, mise en scène par le grand Henry Hathaway, qui semble ici avoir pris une bonne récréation, entouré d'acteurs désireux d'en prendre une également. Difficile de parler de cette histoire, qui vire tantôt dans le sentimentalisme classique, s'alliant à une trame convenue du western, tantôt dans une bagarre burlesque (à la limite du grotesque) dans la boue d'un petit village de chercheurs d'or. John Wayne s'amuse, se prend des baffes, tombe sous les coups du premier venu et peine à crier "Je t'aime" à une femme. Stewart Granger fait la potiche : on le voit peu, c'est toujours sans intérêt et son rôle n'est qu'un prétexte. La vraie révélation du film est la sublime et délicieuse Capucine, actrice française, qui offre une jolie composition, évoluant avec grâce au milieu de tous ses mâles.

Et on est heureux de la voir Capucine, tant le film aurait pu être indigeste sans les bons ingrédients que sont les interprètes et le réalisateur. Sans être admirable, la lumière est belle, et met bien en valeur les quelques beaux paysages filmés. Les bagarres sont grotesques mais amusantes, les dialogues soignés et taillés sur mesure. Aucune prétention sinon celle de divertir. L'objectif est parfaitement rempli, on prend un grand plaisir à suivre cette aventure en compagnie du Duke.

mercredi 12 janvier 2011

Un monde sans pitié (1989)


UN MONDE SANS PITIÉ
Réalisateur : Éric Rochant
Scénario : Éric Rochant
Avec : Hippolyte Girardot, Mireille Perrier, Yvan Attal, Cécile Mazan

Il a son frère, son copain, sa nana. Voilà le sens de sa vie. Il n'est ni marginal, ni désespéré. Il n'a ni projet, ni idéal. Que lui reste-t-il à part l'amour ? Rien justement et ce n'est pas un cadeau, car la fille qu'il rencontre lui en fait baver. Il avait la haine de vivre, il a maintenant la haine d'aimer.

Originalité : 6/10
Scénario : 6/10
Musique : 5/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 6/10
>> Note globale : 6.2/10

Déception après la découverte du premier long-métrage de Éric Rochant. Difficile de croire que le même homme réalisa Les Patriotes quelques années plus tard. Aucun trait de génie, ni en mise en scène (très décousue, style Nouvelle Vague, en plus regardable) ni en scénario (très cliché), seulement de bons dialogues assez souvent (de superbes répliques notamment) et une interprétation magnifique. C'est là le grand point fort du film : le talent de Hippolyte Girardot, absolument parfait, et de Yvan Attal, dont on sent le potentiel. Quant à Mireille Perrier, actrice principale du film, parfaitement à l'aise, on ne peut que s'étonner de ne pas l'avoir vu plus souvent par la suite.

Le film a mal vieilli. Peut-être trop ancré dans une époque - pas tout à fait révolue - que l'on n'a pas envie d'aimer (la fin des années 80), il possède également un aspect très téléfilm avec une photographie au rabais et une utilisation de la musique (elle même très moyenne) qui prête à sourire. Le César qu'il reçu en son temps semble aujourd'hui très injustifié.

mardi 11 janvier 2011

Dr. Jekyll et Sister Hyde (1971)


DR. JEKYLL ET SISTER HYDE (Dr. Jekyll and Sister Hyde)
Réalisateur : Roy Ward Baker
Scénario : Brian Clemens
Avec : Ralph Bates, Martine Beswick, Gerald Sim, Lewis Fiander, Susan Brodrick

Londres, dans les années 1800. Le jeune docteur Jekyll poursuit ses recherches sur une potion qui prolongera la vie. Essayant la potion sur lui-même, il s'aperçoit avec horreur et consternation qu'il s'est transformé en une belle jeune femme : ainsi naît Sister Hyde. Jekyll décide qu'il lui faut ravir une vie humaine pour faire avancer ses recherches. Il arpente les rues à la recherche de ses victimes potentielles.

Originalité : 7/10
Scénario : 8/10
Musique : 7/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 8/10
>> Note globale : 7.4/10

Très bonne surprise que ce film d'épouvante du début des années 70, produit par la Hammer, alors dans une période de déclin. L'histoire originale de Dr. Jekyll et Mister Hyde est revisité une nouvelle fois avec originalité : une incarnation féminine du double schizophrénique. Le film vaut mieux que son titre qui laisse penser à un film d'horreur au rabais. Le scénario est assez bien développé et aborde quelques thèmes de manière très habile, comme l'homosexualité refoulée ou l'image de soi que l'on voudrait avoir aux yeux des autres.

Il faut reconnaître alors au réalisateur, Roy Ward Baker, un réel talent de mise en scène. Outre l'ambiance, très bien restituée, on note une belle photographie (Norman Warwick) et des trouvailles dans le placement des caméras. Ainsi Baker s'amuse régulièrement avec les miroirs, les fenêtres, tous les lieux pouvant refléter ou laisser apparaître un personnage à lui-même. Adaptant avec beaucoup d'habileté sa mise en scène à l'histoire et au comportement des personnages, il donne au récit une force souvent absente des productions de ce genre. Et en fait au passage une très bonne adaptation de la nouvelle de Robert Louis Stevenson. Les acteurs principaux sont crédibles, sans toutefois imposer un charisme débordant. Peut-être une des raisons pour lesquelles ont a plus facilement retenus les films avec Christopher Lee. Je ne peux que conseiller la (re)découverte de ce film.

dimanche 9 janvier 2011

La Poison (1951)


LA POISON
Réalisateur : Sacha Guitry
Scénario : Sacha Guitry
Avec : Michel Simon, Jean Debucourt, Pauline Carton, Jacques Varennes

Paul Braconnier vit un enfer conjugal avec sa femme, une mégère alcoolique. Chacun cherche le moyen de supprimer l'autre. Paul se rend alors chez un célèbre avocat qui lui apprend involontairement comment accomplir son crime. Rentré chez lui, il tue sa femme, se constitue prisonnier, et oblige l'avocat, qu'il a rendu complice de son meurtre, à le défendre.

Originalité : 8/10
Scénario : 8/10
Musique : 7/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 7/10
>> Note globale : 7.4/10

Le film s'ouvre sur un générique original, et très plaisant : la présentation des acteurs et techniciens principaux en images, par le maître lui-même, si bien qu'on croit à un reportage sur le tournage. Le film qui suit est déconcertant et, comme souvent dans l'œuvre générale de Guitry, inégal. Le dialogue est évidemment jouissif et très bien écrit. Alternant les phrases cultes ("Des problèmes de foie, pour un curé, ça ne fait pas bien") et les réflexions plus profondes (de très beaux moments entre l'avocat parisien et le pauvre bougre de campagne), il n'est cependant pas toujours très bien mis en valeur par une mise en scène dans l'ensemble assez terne, voire carrément datée (le montage pénible alternant scènes de tribunal et plans sur les enfants).

Interprétation dans l'ensemble impeccable, théâtrale parfois, mais savoureuse. L'affrontement entre Michel Simon (génial) et Germaine Reuver sent l'authenticité, et peut se revoir en boucle. Guitry trouve d'ailleurs là quelques très bonnes trouvailles, remplaçant un dialogue impossible par le son de la radio. Jean Debucourt, majestueux (de la Coooomédie Française) semble né pour son rôle d'avocat, tout comme Pauline Carton en commère du village. A noter la petite apparition (assez transparente) du jeune Louis de Funès.

Le message du film est terrifiant (un avocat explique involontairement à un homme la meilleure manière de tuer sa femme pour que sa défense soit plus facile), et le dénouement à la fois complètement convenu et totalement amoral. Sous une comédie gentillette se cache une féroce dénonciation des comportements, notamment ceux des villageois, qui n'hésitent pas à vouloir utiliser une fille mentalement retardée pour inventer un miracle divin, et qui se réjouissent de l'assassinat d'une habitante car cela fait une réputation à leur village et fait marcher le commerce. Guitry brouille habilement les pistes et fait s'interroger le spectateur : qui est bon ou mauvais dans cette histoire ? Noir, drôle, atypique, cynique, jouissif, culotté et terriblement misanthrope. Un régal.

mercredi 5 janvier 2011

La main du diable (1943)


LA MAIN DU DIABLE
Réalisateur : Maurice Tourneur
Scénario : Jean-Paul Le Chanois
Avec : Pierre Fresnay, Josseline Gaël, Noël Roquevert, Palau

Un homme qui semble traqué arrive un soir dans une auberge isolée de montagne. Sa main gauche est gantée. Il raconte, devant les pensionnaires rassemblés, son extraordinaire histoire. Peintre sans talent, il achète un jour un talisman, une main enchantée qui doit lui porter bonheur. Et cela fonctionne, il devient talentueux, riche, considéré, heureux. Toutefois, il faut que le possesseur de la main la revende avant un an, sous peine d'être damné. Il oublie l'échéance ...

Originalité : 9/10
Scénario : 9/10
Musique : 8/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 8/10
>> Note globale : 8.4/10

Produit par une compagnie financée par les allemands en 1943, La main du diable est une très grande réussite du cinéma français, et plus particulièrement du genre fantastique. La mise en scène et la lumière associées déploient des trésors d'imagination et offrent une esthétique remarquable. La séquence "historique" où l'on découvre l'histoire du talisman à travers les âges est somptueuse, par exemple. Maurice Tourneur déploie un véritable talent fou, scène après scène. Chaque séquence peut se suffire à elle seule et captiver l'attention du spectateur.

L'interprétation est très juste, à commencer par celle, principale, de Pierre Fresnay, qui sombre avec art du naturel insouciant et tranquille à un comportement d'homme traqué, en passe de devenir fou. L'originalité de représenter le diable par un homme au physique d'huissier est pertinente et, là aussi, formidablement interprétée par Palau. Prestation également appréciable du grand Noël Roquevert, cuisinier torturé et qui revend la main du diable à Pierre Fresnay. Surprenant, remarquable, dérangeant, fascinant et passionnant de bout en bout. A mon avis, un chef d'œuvre.

mardi 4 janvier 2011

L'auberge du sixième bonheur (1958)


L'AUBERGE DU SIXIÈME BONHEUR (The Inn of the Sixth Happiness)
Réalisateur : Mark Robson
Scénario : Isobel Lennart
Avec : Ingrid Bergman, Curd Jürgens, Robert Donat

Portée par son rêve de devenir missionnaire, et fascinée par la Chine, Gladys Aylward, une jeune domestique londonienne, commence un long périple qui la conduit dans un village de montagne, Wang Cheng. C'est là qu'elle rencontre un eurasien, officier de l'armée chinoise. Mais la guerre arrive et les envahisseurs japonais contraignent la population à la fuite.

Originalité : 7/10
Scénario : 8/10
Musique : 8/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 7/10
>> Note globale : 7.4/10

La grande force de cette épopée dramatico-romantique est son scénario (adapté d'un livre), très travaillé, prenant le temps de nous faire connaître et apprécier les personnages. Celui de Ingrid Bergman est particulièrement réussit dans son genre (un peu pathos peut-être) et, surtout, formidablement interprété. Il semblerait qu'elle était la femme idéale pour ce rôle ... ce qui n'est pas, à mon avis, le cas de Curd Jürgens, que j'ai toujours trouvé fade (que ce soit dans Torpilles sous l'Atlantique ou Michel Strogoff). Un autre acteur (Yul Brynner par exemple), plus charismatique, aurait donné plus d'épaisseur à ce rôle compliqué, puisqu'un peu en retrait.

La mise en scène de Mark Robson me fait penser que ce réalisateur est sans réel talent : la qualité d'un de ses films se juge sur la qualité du scénario. D'un certain point de vue, il sert l'histoire sans chercher d'effets de réalisation. Je pense qu'un cinéphile ne peut se contenter de cela. Aucune imagination, aucune recherche mais de belles images, des plans conventionnels mais propres, des cadrages classiques mais efficaces. Un film d'aventures de Major, à l'ancienne. Et j'aime ça. Passionnément.

dimanche 2 janvier 2011

L'aventure du Poséidon (1972)


L'AVENTURE DU POSEIDON (The Poseidon Adventure)
Réalisateur : Ronald Neame
Scénario : Stirling Silliphant et Wendell Mayes
Avec : Gene Hackman, Ernest Borgnine, Red Buttons, Leslie Nielsen

Le soir du réveillon du 31 décembre, le paquebot de croisière Le Poséidon, est retourné par une gigantesque lame de fond. A l'intérieur, un petit groupe mené par un pasteur énergique tente de traverser le navire qui coule, afin de retrouver la surface.

Originalité : 8/10
Scénario : 7/10
Musique : 7/10
Interprétation : 7/10
Mise en scène : 7/10
>> Note globale : 7.2/10

D'emblée, je dois avouer que ce fut une très bonne surprise. Rien, sinon les acteurs, ne peuvent attirer dans cette histoire catastrophe somme toute assez banale. Et pourtant, son traitement est intelligent. Évidemment, il n'évite pas les clichés du genre (morts larmoyantes - "Tu diras à mon petit-fils que je l'aime" -, rebondissements attendus ...) mais elle sait aussi prendre leur contre-pied quand il le faut. Ainsi, on trouve une scène assez forte où le héros, qui plus est un homme d'église, ferme la porte sur des dizaines de passagers qui vont mourir. L'histoire ne raconte pas l'histoire d'un naufrage, mais l'histoire d'un groupe d'individus qui veulent en réchapper. Le navire n'est qu'un décor, cela aurait pu se passer dans la jungle. La mise en scène évite ainsi parfois les effets pénibles relatifs aux films catastrophes habituels.

Les personnages sont bien dessinés. Caricaturaux mais pas trop. Gene Hackman (acteur du Nouvel Hollywood), très convaincant, s'oppose à un Ernest Borgnine (star de l'Ancien Hollywood) très en forme. Il faudra un jour réhabiliter cet acteur génial, tout comme Red Buttons (toutefois un peu en retrait ici). Leur évolution surprend parfois, surtout pour le pasteur incarné par Hackman, dont la fin peut être considérée comme assez insolente, d'autant plus à l'époque de production. Un film intelligent, à découvrir.

La chevauchée de la vengeance (1959)


LA CHEVAUCHÉE DE LA VENGEANCE (Ride Lonesome)
Réalisateur : Budd Boetticher
Scénario : Burt Kennedy
Avec : Randolph Scott, James Best, Lee Van Cleef, James Coburn

Le chasseur de prime Ben Brigade arrête le meurtrier Billy John pour l'emmener à la potence. Il fait halte à un relai de poste où il sauve la femme du gérant d'une attaque d'indiens. Face à leur acharnement, il continue sa route avec l'aide de deux hors-la-loi. Mais les deux bandits ont pour but de s'emparer de Billy dans l'espoir de leur propre amnistie. A cela s'ajoute Frank, le frère de Billy ...

Originalité : 8/10
Scénario : 8/10
Musique : 7/10
Interprétation : 8/10
Mise en scène : 8/10
>> Note globale : 7.8/10

Deuxième découverte d'un film de Budd Boetticher et j'avoue m'attacher un peu plus à ce réalisateur méconnu, maîtrisant pourtant parfaitement son art. Apparemment spécialiste du long-métrage de courte durée (ici 1h15 environ), ce western en apparence à oublier très vite est à placer avec les grands. L'utilisation du cinémascope est soignée, rigoureuse et ... logique. La démarche est de montrer les personnages dans de grands paysages sauvages, filmés en plans très larges (Boetticher, comme Delmer Daves ou André De Toth filme très bien la nature), avec très peu de gros plans, un parti pris étonnant.

L'histoire, classique (banale ?) se complexifie à mesure que l'on avance, dans une belle fluidité qui accorde toute l'importance aux personnages, véritables moteurs de l'action, maîtres de leurs destins. Ils ne subissent pas l'histoire, ils la font. Dans une subtile imbrication de passés tourmentés, le scénario tisse une histoire commune, dont l'issue doit être fatale pour l'un d'entre eux. Un lieu - symbole d'un passé à chacun - devient le temps d'une réunion l'endroit où se règlent les conflits. La séquence finale de "l'arbre aux pendus" est intensive et passionnante, malgré l'épuration de son décor. Un grand moment de cinéma.

Et quel plaisir de retrouver une belle brochette d'acteurs : Randolph Scott que j'apprécie de plus en plus, Lee Van Cleef qui a peut-être le plus beau rôle du film, car il évite les clichés et surprend dans ses répliques, James Coburn, plaisant à voir dans un de ses premiers rôles, et James Best, épatant.