samedi 28 août 2010

La mer cruelle (The Cruel Sea), Charles Frend, 1953.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, deux civils sont affectés sur un navire chargé d'escorter les convois des navires de la Royal Navy. Sous les ordres du capitaine Ericson (interprété par Jack Hawkins), ils vont devoir affronter les attaques de sous-marins. Titre qui appelle à l'aventure, vedette charismatique, adaptation d'un roman à succès, tout laisse présager un grand film hollywoodien.

Que nenni. Le film est britannique, tout droit sortit des studios Ealing (sous la houlette de J. Arthur Rank) et n'a rien à voir avec un film d'aventures. C'est un vrai film de guerre, retraçant de manière épurée et fidèle, sans concessions (on pense dans le même genre à L'armée des ombres, sur un autre thème souvent sujet à la glorification facile), la vie de plusieurs marins de la Royal Navy sur une petite corvette. Le choix du navire rompt déjà avec le film de guerre traditionnel, les navires d'escortes n'étant pas au combat directement, mais plutôt chargés d'assurer la sécurité. Pas vraiment de quoi y trouver des héros du grand écran. Mais c'est le but du film : suivre le destin de quelques individus ordinaires confrontés à une situation à laquelle ils n'étaient pas préparés.

Jack Hawkins.

Le film est déroutant. Tourné au début des années 50, on ne s'attend pas à une telle objectivité dans le scénario et dans l'attitude des personnages. Le militaire incarné par Jack Hawkins n'est en rien le héros "classique" de l'époque : il est en proie à des doutes, peut rentrer dans de terribles colères, perd le sens réel du raisonnement à mesure que l'histoire progresse. Son obsession de détruire un sous-marin le pousse à abandonner plusieurs de ses hommes tombés à la mer, et à faire de cette traque une affaire personnelle (on retrouve le même schéma, au dénouement plus hollywoodien, dans Torpilles sous l'Atlantique, avec Robert Mitchum).

Compte tenu de l'époque, le film devrait être manichéen, un produit de propagande pro-nations victorieuses de l'après guerre. Il n'en est rien. Une scène finale apparaît comme tout à fait surprenante, et remarquable, quand un marin qui fait prisonnier des allemands constate : "Ils n'ont pas l'air si différents que nous". Autre parti pris intéressant, le fait de ne jamais montrer l'ennemi directement (on retrouve ce même parti pris dans Master and Commander, de l'autre côté du monde) - qui ne fait que renforcer le suspens, et permet de se concentrer entièrement à ses personnages. Lesquels ne sont montrés qu'en mer quasiment, les rares séquences sur terre sont rapides, peu développées et ne servent pas l'histoire (pas de relation amoureuse qui chamboulerait le destin de tous ...).

Jack Hawkins.

Filmé sobrement, parfois à la manière d'un documentaire (le début sur l'apprentissage notamment), le film n'a pas de fin réelle, s'arrête brusquement, comme il a commencé. L'interprétation sert sans problèmes le scénario - Jack Hawkins prouve qu'il est un acteur de qualité et trouve un rôle un peu plus profond que ses prestations américaines (dans Ben-Hur ou Lawrence d'Arabie notamment). Peu divertissant, le film est toutefois une très belle réussite, incarnation parfaite de ce que recherche le cinéphile : du beau cinéma.


Mon avis sur le film : 8/10
Certains passages de ma critique recoupent avec l'article wikipédia du film. J'avoue être l'auteur de cet article, et donc tout à fait en droit de me paraphraser.

2 commentaires:

Justin a dit…

Ah intéressant ça j'ai bien aimé les quelques films du studio Ealing sortant de la trademark comedie que j'ai vu comm "Wet the day well" curieux de découvrir celui là existe t il une édition dvd ?

Julien Morva, a dit…

Hélas, j'ai l'impression que le film n'est disponible qu'à l'import. Je l'avais vu il y a quelques temps sur TCM très tard. En revanche, le livre se trouve assez facilement.